lundi 22 octobre 2012


COMMENT DEVENIR TRES VITE EXPERT EN DEGUSTATION DE VINS



Pour illustrer la nouvelle publication de mon ouvrage : « LA BIBLE DU GOUT ET DES MOTS DU VIN », je publierai, régulièrement dans un premier temps, durant plusieurs semaines, sur mon blog Goût et Images, (goutsetimages.blogspot.com) mes réflexions acquises par l'expérience, sur l'usage de la dégustation, ses effets sur les dégustateurs, ses mystères, son influence sur nos comportements, sur notre savoir ainsi que sur notre soif de culture. En résumé, tout l'intérêt du principe de déguster sur notre personnalité. Le tout confinant dans l'océan de l'acquisition de ce qu'on nomme d'un mot devenu commun mais riche de mystère « le plaisir ». La dégustation bien ordonnée et riche d'enseignements conduit à la découverte d'émotions échelonnées sur des intensités diverses, avant de parvenir à une finalité biologique, celle du plaisir.

La maîtrise de la dégustation nous rend plus intelligible, plus interdépendant de la nature et de nos aliments. Notre esprit se gorge de toutes les sensations qu'ils nous offrent à longueur d'année. Le fait que la dégustation repose sur une assise multidisciplinaire, c'est l'univers de la connaissance et celui des sens qui s'interpénètrent pour notre plus grand plaisir.



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LA DEGUSTATION DES VINS ET DES ALIMENTS RENFORCE NOTRE SENS DE L'HUMANITE -3 -

Blog du 22 octobre 2012

LA MEMOIRE SENSORIELLE : du plaisir plein la tête



Concentrons-nous, aujourd'hui, sur notre mémoire sensorielle. Grâce à la dégustation, nous la découvrons par une prise de conscience tout à fait louable en nous introduisant dans l'antre du désir. Nous constatons que, de cette mémoire, nous nous en servons inconsciemment mais pas assez sélectivement dans la vie courante. Et pour cause. En réalité elle s'exprime d'elle même, en shuntant notre volonté. Cela prouve que nous manquons de concentration suffisante pour diriger nos propres pensées. Combien de fois, que ce soit en ville, à la campagne, à la mer comme à la montagne, en été comme en hiver... traversez-vous un lieu et soudain, vous captez une odeur plus ou moins fugace. Elle nous interroge qu'elle provienne de la proximité immédiate ou de loin portée par des courants d'air... Vous êtes incapable, huit fois sur dix, d'y mettre un nom, une identité. Nous pourrions prendre d'autres exemples touchant aussi bien la mémoire iconique (visuelle) ou échoïque (son). C'est ce qui se produit en dégustation.

Si une odeur vous interpelle, émotionnellement, sans ne rien rappeler dans vos souvenirs, ne cherchez pas et ne vous mettez pas dans un piteux état. Cette odeur n'est pas dans votre bibliothèque sensorielle. Point barre ! C'est la révélation même que vous ne l'avez jamais enregistrée dans votre vécu. C'est ce qui nous aide à confirmer notre postulat que l'on ne cesse de répéter presque à longueur d'année, à chaque leçon ou article lorsqu'on aborde la dégustation. Cela devient une antienne, peut-être, mais cela résume tellement la première vérité ou premier précepte de la dégustation : « En dégustation, on ne peut reconnaître que ce qu'on connaît, qu'on a enregistré dans sa mémoire ».

Oui, mais... A ce propos, il faut tout de même moduler et expliquer qu'il peut y avoir une erreur d'aiguillage au niveau des neurones. Au cours d'une dégustation, on peut être amené à reconnaître une odeur qui ne vous est pas étrangère bien que vous soyez incapable de la désigner sans l'ombre d'un doute. « Cette odeur me rappelle une fleur (par exemple, oui mais laquelle ? ». Phénomène bizarre et courant dans toutes les dégustations. Eh bien votre cerveau qui a réagi à la molécule de cette odeur (ou aux molécules, plutôt) a dérivé, dans votre mémoire sensorielle, vers d'autres lieux de reconnaissance d'une ou plusieurs molécules « cousines » reconnues par d'autres neurones, molécules presque semblables et votre mémoire sensorielle va, ainsi, vous induire en erreur. Erreur relative, certes, mais qui vous assure, in petto, que telle odeur ressentie a bel et bien pour origine tel responsable (tel nom de fleur, de fruit... que vous pensez sincèrement correspondre à l'odeur perçue). Donc, danger ! Même si cela ne changera en rien votre analyse globale. Vous devez donc être attentif à ces dérives olfactives.

Cette maxime « de ne reconnaître que ce qu'on connaît », est porteuse d'une profonde vérité et elle vient,aussi tonitruante qu'un tonnerre en rase campagne ou aussi aveuglante qu'un éclair la nuit, détrôner les velléités de tout débutant désireux de mettre la charrue avant les bœufs. S'appuyer sur sa mémoire sensorielle n'est pas un vain propos mais un acte qui mérite d'être très réfléchi. Débutant en dégustation, nous souhaitons à tout pris vouloir donner un identifiant à une odeur. Comme ses aînés qui sont rompus aux nombreuses expériences. Précisons que tout débutant ne sera jamais ridicule en ne percevant difficilement les odeurs d'un vin. L'apprentissage commence déjà dans l'humilité.

Malgré tous les efforts que l'on puisse fournir, cette mémoire sensorielle possède un pouvoir incommensurable. Elle réclame, de ce fait, respect et attention. Elle sera d'autant plus efficace que nous saurons l'entretenir, lui donner la vivacité dont elle a besoin pour s'exprimer, la nourrir et la perfectionner comme on le fait à longueur d'année pour toutes les parties de son corps. La mémoire sensorielle a, elle-aussi, besoin de propreté, d'hygiène (mentale et psychologique), d'éviter certaines contraintes et d'être rassurée. Lui faire confiance, c'est fidéliser l'un des instruments essentiels et les plus performants de notre cerveau.

La mémoire sensorielle est mise à contribution régulièrement, tout le long de notre vie, quotidiennement. Grâce à elle, l'être humain possède une faculté rare, celle de détenir des pouvoirs qu'il ne soupçonne pas. Ou si peu ! Nous avons en nous, de véritables trésors qui sommeillent et que nous n'utilisons jamais (ou rarement) pour nous aider à réussir dans la vie, nous donner plus de chances de succès, plus de possibilités. Est-ce vraiment notre faute si nous ne savons pas mettre en pratique des forces dont on ne nous jamais livré le mode d'emploi, à un moment ou autre de notre vie ?

Le souvenir des sens dépend, bien sûr, de cette mémoire mais aussi du pouvoir d'attention et de concentration que nous engagerons. Cette phase essentielle ne peut souffrir de distraction ou de superficialité que ce soit lorsque l'on admire un paysage, une peinture, des gestes de professionnels, lorsqu'on écoute une musique, lorsqu'on sent une odeur, un parfum, lorsqu'on goûte un mets... nous ne devons jamais nous laisser distraire par l'habitude, le mauvais réflexe d'inattention, pendant ce stade de focalisation des sens où toute évocation, toute analyse, toute justification de précision et de sens nous permet de capter le moindre sentiment de découverte et d'émotion qui, invariablement, vont nous apporter du plaisir. Nous savons que la connaissance est pétrie de multiples plaisirs. Le circuit de la récompense de notre cerveau est un mouvement issu d'interférences neuroniques, un cercle inamovible et constant qui doit achever sa course sans ne connaître aucune rupture lorsqu'on tient à cette finalité qu'est le plaisir. Finalité ou moyen ? Cela ramène à une autre réflexion.

Si l'on envisage de s'atteler à l'apprentissage de l'éducation au goût comme un étalon de race à son chariot, il faut s'attendre, comme dans tout domaine de transport, à des turbulences notoires, surtout lors de ses premiers cours. L'éducation au goût est aussi vaste que la surface de tous les océans réunis, avec, en prime, des remous importants. Elle englobe tous les sens et elle oblige à affûter sa mémoire sensorielle d'une manière sélective et segmentée. Cette éducation concerne aussi bien l'art pictural, l'art musical, l'art olfactif (monde des parfums) que l'art gustatif.

La dégustation des vins n'est pas un monde élitiste mais à plusieurs vitesses. Il s'octroie trois pôles pouvant s'interpénétrer, se côtoyer mais jamais s'ignorer. Le premier est celui de la production. L'univers du vigneron et de ceux qui travaillent la vigne et ceux qui élaborent les vins. Ensuite, l'univers de la distribution et du commerce. Un univers quelquefois, de nature psychorigide avec ses lois et ses principes, manquant parfois d'humilité et de loyauté. Avec le temps et l'exigence des clients, dans un milieu très concurrentiel, c'est un secteur qui a appris la rigueur et la nécessité de s'imposer des codes de la qualité pour respecter l'acheteur. Enfin, l'univers de la consommation et des collectionneurs d'étiquettes, vaste et informel. A chaque stade, chaque individu concerné a été confronté à ce que l'on nomme, l'apprentissage de la dégustation, face aux nécessités des marchés et de l' évolution des exigences humaines.

La dégustation est donc devenue un outil transversal commun qui relie chacun de ces trois univers et assure à tous les dégustateurs d'entrer en intimité avec les vins qu'ils produisent ou qu'ils commercialisent ou, enfin, qu'ils achètent pour leur plaisir.

Si chaque acteur, dans les trois filières, ont des histoires à raconter c'est que le principe de la dégustation leur a permis d'assumer une introspection personnelle. Tout dégustateur et tout vin qui se rencontrent se disent des choses que chacun porte en lui. Le vin, en portant sa propre histoire se confrontera à un moment ou à un autre avec notre mémoire sensorielle. Que ce soit sur un lieu de production, dans un salon, ici ou à l'autre bout du monde, cette mémoire devra interagir face à ce vin. Le producteur sera enclin à nourrir le débat d'un trop plein d'affectivité pour son enfant. Face au même vin, le commercial racontera sa propre histoire imbibée d'un fort dosage d'arguments dont la rhétorique est propre à défendre, avec sincérité, ses intérêts. Quant au consommateur, face à ce vin, il devra se créer ses propres images à partir de toutes les informations. Il aime, la plupart du temps, entendre ce qu'il souhaite intérieurement. De mettre à sa disposition intellectuelle et affective suffisamment de symboles qui aideront sa propre imagination à fantasmer.

La mémoire sensorielle, ne l'oublions pas, est une vaste autoroute qui traverse deux contrées du cerveau, l'affectivité et l'émotion. Si on les laisse gouverner, ce sont elles qui guideront, le monde de la dégustation. L'expérience prouve que, si elles assument notre plaisir individuel, ce qui n'est pas rien, elles détournent une part de la vérité.

Pourtant, nous ne pouvons la nier ni l »esquiver. La mémoire sensorielle est un dénominateur commun à tous les êtres et, en matière de dégustation nous sommes obligés d'en appeler à elle continuellement. Elle nous rassemble et nous humanise à chaque séance, le verre de vin face à soi, dans la pénombre de nos appréhensions, de nos émerveillements et de nos instants de bonheur. Elle revisite toute la panoplie de sensations que chaque perception façonne, le long de notre vie de dégustateur. Celle-ci s'enrichit et se bonifie avec le temps, les épreuves œnologiques, les harmonies avec les mets que ce soit dans ses plus somptueuses merveilles d'union de bouche comme les plus regrettables couacs disharmoniques... L'expérience fortifie notre mémoire sensorielle, y compris nos erreurs qui nous aident à grandir. Elle prospère et nous rend chaque fois plus heureux. Elle entre dans les rouages du bonheur et argumente notre langage de pensées qui cimentent un peu plus la chaîne humaine des dégustateurs.

Vive la dégustation sans frontières.

Christian SAINT ROCHE



Prochain blog : LA DEGUSTATION DES VINS ET DES ALIMENTS RENFORCE NOTRE SENS DE L'HUMANITE – 4 -

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